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bien mon homme ! Sacré Merlouis, je lui offre une canne, et il la perd deux fois en vingt-quatre heures… Je vais lui en faire une bien bonne !

Il paya l’addition en souffrance, et, sans un mot d’explication, renvoya la canne au théâtre, à l’adresse de Merlouis.

Celui-ci, le lendemain, en recevant l’objet des mains du concierge, s’abstint de poser des questions, car de nombreuses expériences lui ont démontré que les histoires embrouillées s’arrangent beaucoup mieux quand on ne cherche pas à les comprendre.

Pendant la représentation, Jartès entra par hasard dans sa loge.

— Tiens, dit-il, ma canne est revenue chez toi !

— Oui, répondit l’autre, c’est une canne très fidèle, très attachée à ses anciens maîtres, comme les larbins du vieux répertoire.

— Mais comment se fait-il ?…

— Ce serait trop long à t’expliquer, déclara prudemment Merlouis. Tu me ferais rater mon entrée. Tout ce que j’ai le temps de te dire, c’est que je ne te la rendrai pas aujourd’hui, parce que je dois passer demain à l’agence, pour une saison d’été.

Jartès s’inclina sans mot dire. On n’a le droit de rien refuser aux copains qui vont à l’agence, où ça coûte trop cher d’avoir l’air d’un purotin.

Le lendemain, comme il allait à son rendez-vous, Merlouis rencontra un camarade qui se rendait aux courses, et qui avait un tuyau sérieux sur Jambonneau III, un tuyau tellement sérieux que l’acteur décida de n’aller à l’agence que le lendemain.

Au champ de courses, il trouva facilement un Anglais qui lui acheta la canne pour quatre-vingts francs, lesquels furent placés aussitôt sur Jambonneau. L’ami