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Le petit vicomte fit comme il avait dit. L’acteur, en recevant la canne, déclara d’un ton sec :

— Vous êtes bien gourde de vous déranger pour ça. J’allais la faire prendre par le chasseur du théâtre. De nombreuses expériences ont démontré à Merlouis qu’il est prudent de ne s’étonner de rien, et que le plus simple est d’avoir toujours l’air d’être renseigné.

Le soir, Liline eut envie de souper au restaurant. Elle téléphona à Merlouis de venir la retrouver au café de Paris, après la représentation. Il arriva, maniant avec fierté la belle canne à crosse d’or, qu’il n’avait pas osé rendre à Jartès avant plus ample informé. On soupa, mais quand il s’agit de régler l’addition, Liline s’exclama :

— Elle est bien bonne ! J’ai oublié ma bourse ! Tu n’as pas quelques louis sur toi ?

À cette supposition invraisemblable, inouïe, Merlouis la regarda d’un air si effaré, si piteux, qu’elle en rit aux éclats pendant deux grandes minutes.

— Bah ! dit-elle, laissons cette canne en gage. Tu viendras la reprendre demain.

Et ils allèrent se coucher.

Une demi-heure plus tard, le petit vicomte entra au café de Paris avec quelques camarades, et vit entre les mains du gérant, qui la faisait estimer par un consommateur, une superbe canne à crosse d’or.

— C’est un peu raide ! dit-il. De qui tenez-vous cette canne ?

L’autre conta l’histoire :

— Un monsieur, après avoir soupé avec une jolie femme, lui avait laissé cela en gage, faute d’argent.

— Petit, ventripotent, glabre et rigoleur, le monsieur ? demanda le vicomte… Oui, c’est bien ça, c’est