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scène de reproches terribles, et dut aller achever sa soirée au cercle, sans que la maîtresse ni le chien eussent daigné agréer ses excuses.

Quand Jartès entra chez Liline, une demi-heure plus tard, et lui fit admirer sa nouvelle canne, la blonde enfant rit beaucoup en apprenant qu’il l’avait achetée à Merlouis, mais refusa de lui dire pourquoi elle riait.

Le lendemain matin, vers onze heures, le vicomte vint renouveler ses excuses, qui furent enfin acceptées. Après quoi, il dit d’un air prodigieusement fin, à l’instant précis où Jartès s’en allait par le cabinet de toilette et l’escalier de service :

— Merlouis est déjà venu ici aujourd’hui.

— Pourquoi dis-tu cela ? interrogea Liline, à qui de nombreuses expériences ont démontré qu’il est imprudent de répondre trop vite d’irréparables oui ou non.

— Parce que je vois dans ce coin la canne que je lui ai donnée hier ! répondit victorieusement le vicomte.

— C’est vrai, mon loup ! Il est venu m’apporter une chanson que je lui avais demandée, et il aura oublié sa canne en s’en allant… Voyez-vous ce gros loup chéri qui fait son petit Sherlock Holmès ! On ne peut rien lui cacher, à ce gros loup !

Et elle embrassa le gros loup une dizaine de fois, impétueusement.

Après le déjeuner, le petit vicomte déclara :

— Merlouis répète à deux heures. Je passe devant son théâtre, je vais lui reporter sa canne.

Car ce jeune homme est très fier d’entrer dans les théâtres aux heures où il n’y fait pas amusant.

— Agis comme tu voudras, répondit Liline, qui ne redoute pas les complications quand Merlouis en est.