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chers petits yeux si finement bridés d’habitude, mais pour l’instant presque arrondis par la stupéfaction. Alors Pou comprit le miracle, le merveilleux miracle de ces deux fils du Ciel descendant vers lui, pauvre vieillard si malheureux et si désolé, et l’emportant à travers l’azur, sur le dos d’un dragon terrible et gigantesque, droit vers la brebis égarée qu’il allait ramener au bercail.

Et Li-Li comprit de même, car elle s’en vint vers son mari, humble, soumise et repentante, tandis qu’un jeune homme qui se tenait à côté d’elle s’empressait de disparaître dans la foule.

Ivre de bonheur, Pou se prosterna devant le fils du Ciel en s’écriant :

— Dis-moi ton nom, ô bienfaiteur du pauvre ! Dis-moi ton nom pour que je t’adresse chaque jour ma reconnaissante prière.

Le bienfaiteur du pauvre, qui avait vu d’autres dragons arrivés avant le sien, paraissait d’assez méchante humeur et repoussa d’abord le vieillard. Puis se ravisant, il tira de sa poche un tael, un beau gros tael d’argent qu’il lui mit dans la main. Pou n’osa refuser, mais il clama de nouveau :

— Ton nom, bienfaiteur du pauvre ? Dis-moi ton nom, je t’en supplie !

Alors le fils du Ciel prit le vieillard par les deux épaules, et bien en face, en articulant chaque syllabe pour qu’il comprît bien, hurla cette réponse :

— Fou-Moua-La-Pê !

Et Pou, tout heureux, alla faire marché avec un voiturier qui les reconduisit au village, lui et sa chère petite femme si miraculeusement retrouvée, grâce à l’intervention céleste.