lapin et d’interminables foulards, qui gesticulait devant lui.
— Mon… mon cher ténor, balbutia le journaliste, je… je ne sais à quoi je dois l’honneur…
— Ah ! vous ne savez pas ! vous ne savez pas ! beugla le chanteur. C’est bien ce que je disais : vous ne savez pas vous-même ce que vous écrivez ! Tenez, lisez ça !
Et il tendit à l’autre un exemplaire de l’Impartial de Sambre-et-Meuse paru la veille, où se détachait un passage sauvagement hachuré à coups de crayon bleu.
Anonnant comme un écolier, tant il avait la frousse, Eugène Toumiel déchiffra péniblement sa prose :
« Notre excellent ténor, M. Carcragnac, a joué avec son magnifique talent habituel. Les applaudissements enthousiastes du public ont salué le nouveau succès du sympathique artiste. »
— Mon cher ténor, avoua le tremblant plumitif, je vous assure que… que je ne comprends pas…
— Ah ! vous ne comprenez pas ! Vous m’insultez, et vous ne comprenez pas vous-même ce que vous écrivez ! Eh bien, je vous dis, moi, que vous êtes un ignorant, un imbécile, un mufle, un gredin et un maître chanteur ! Est-ce que je me fais comprendre, moi ? Lisez, monsieur, lisez la suite, vous comprendrez peut-être !
Docilement, Eugène reprit :
« Notre baryton, M. Durand, a été très bon dans le rôle qui lui était dévolu. Il a lancé, de sa voix superbe et avec son impeccable diction, les nombreux airs qui émaillent ce rôle. C’est un véritable chanteur de style, un artiste de la bonne école. »
Le journaliste s’arrêta, regardant son interlocuteur