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vont en crever de rage, car personne dans toute la ville, pas même M. le maire, ne possède un semblable chef-d’œuvre d’horlogerie et d’orfèvrerie. Tu ne peux te figurer ce que ces gens-là me jalousent, mon petit Loulou, parce que je suis le père d’une artiste célèbre. Mais je méprise comme il convient, du haut de ton immense réputation, tous ces bourgeois mesquins et pourris de préjugés idiots.

Je te prie de présenter tous mes respects à M. le baron Goudmann, et de lui annoncer que j’ai rempli fidèlement, et adroitement, j’ose le dire, la mission dont il a bien voulu me charger. Les deux chiens dont il avait envie sont à lui ; on les conduira à Paris la semaine prochaine, et je ne les ai payés que douze cents francs. Quand il a connu le nom de l’acquéreur, le marchand a fait un fameux nez, je t’en réponds. S’il avait su pour qui j’achetais, il eût certainement exigé le double. N’oublie pas de rappeler au baron, de temps à autre, que j’ai acheté, sur son conseil, quelques actions de son dernier lancement, et qu’il a promis de me faire signe quand il faudrait vendre. Je te félicite de nouveau, ma chère fille, pour ta dernière création. J’ai passé deux heures délicieuses à lire les comptes rendus des journaux, où je retrouve à chaque pas ce nom de Momard que tu as rendu célèbre en le transformant en d’Amora. Continue, ma chère Loulou, à illustrer ainsi notre nom, pour le bonheur de celui qui est si fier d’avoir, en te donnant le jour, contribué dans la mesure de ses moyens à rehausser la gloire incontestée de notre art lyrique.

Ton père qui t’embrasse de tout son cœur,

Hyacinthe MOMARD.