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encore à accomplir avant d’être couché. La nécessité de ne faire aucun bruit l’obsédait à un tel point qu’il se mit à chanter tout haut, sur un air de sa composition :

Ne faisons pas de bruit !
Ne faisons pas de bruit !

— Tiens, ça rime ! pensa-t-il, très surpris et très satisfait de lui-même.

Et cette profonde pensée lui rendit de telles forces, qu’il mit à peine dix minutes à ouvrir et refermer la porte. Dans le corridor, il lui fallut dix autres minutes pour enlever ses bottines, malgré l’excellente idée qu’il eut, pour procéder à cette opération, de se coucher sur le dos, les jambes dressées contre le lambris. Ses chaussures à la main, Totor, pour se procurer de la lumière, gagna la cuisine en frôlant alternativement les deux murailles. Après avoir plongé les doigts dans du cirage, puis dans du beurre, il trouva enfin les allumettes, et c’est tout au plus s’il en frotta dix-neuf avant de réussir à allumer le bec de gaz. Très fier de ce brillant résultat, Totor s’octroya un moment de repos.

Mais soudain, une chose le troubla : au milieu d’un panneau s’étalait une énorme horloge à poids, agrémentée d’un réveille-matin, et célèbre dans la famille pour ne s’être jamais arrêtée une seconde depuis plus de cinquante ans. Et dans le calme profond de la nuit, le grave tic tac du balancier prenait des sonorités effrayantes.

— Sacrée rosse, murmura Totor, elle en fait, du potin ! Elle va réveiller m’man !

De son inquiétude grandissante, une idée dut jaillir, car un sourire idiot illumina sa face. Lâchant courageusement la table, il plongea vers la muraille, rata