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Un Divorce en 1930

— Oui, mon cher, avoua le gros Morlanes, je l’étais ! Mais d’une façon si peu ordinaire que je me demande s’il n’y a pas plus d’originalité que de ridicule à l’avoir été de cette façon-là.

Tu sais que j’avais la faiblesse d’être jaloux de Lucette. Tu t’es même assez moqué de moi parce que je ne la laissais jamais sortir seule. C’était pourtant gentil, notre ménage ; tous les maris nous citaient comme des modèles, quand on nous voyait passer, toujours ensemble, toujours sur nos deux petits monoplans tout pareils, deux petits bijoux de monos, à élytres planantes et ailes ramantes, qui faisaient bravement leurs cent cinquante kilomètres à l’heure. Et on allait où Lucette voulait, mais jamais l’un sans l’autre, sauf deux ou trois fois par semaine, le matin, quand je lui permettais de faire de la hauteur, parce qu’elle prétendait en raffoler, et que le médecin m’a défendu de dépasser les cinq cents mètres d’altitude, à cause de mon asthme.

Donc, de temps à autre, dans la matinée, Lucette me demandait, en m’embrassant dans le cou, à ma place préférée, la permission de faire un peu de hauteur. Je permettais, en lui recommandant de ne pas dépasser les deux mille cinq cents mètres, et de ne pas s’absenter plus d’une heure. Elle n’en restait jamais moins de deux, mais j’étais tranquille, la