Page:Ista - Contes & nouvelles, tome I, 1917.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.
61

tchempionne de bluff ! Si vôs taisez pas vôs, je boxai vôs tôt de souite, devant les demoiselles !

L’autre bondit… derrière une table.

— La police ! cria-t-il. Allez chercher la police !

L’Anglais sembla se calmer.

— Payez le boissonne, dit-il, et allez-vôs en…, tôt de souite !

L’homme-qui-les-tombait-tous fouilla ses poches, si trouble qu’il ne retrouvait plus son argent, assembla des pièces de monnaie sur la table, devant le garçon narquois, et fila sans demander son reste, sans jeter un seul regard sur la pauvre petite Line. Jusque-là, elle était restée abasourdie, empêchée par sa stupeur de proférer un mot. Et l’homme à la belle moustache était déjà trop loin pour l’entendre quand elle put lui jeter enfin :

— Voyou ! Sale voyou ! Sale menteur !

— Yès, menteur, dit l’Anglais, toujours imperturbable.

Line le regarda d’un air reconnaissant. C’était un boxeur, celui-là, un vrai, ça se voyait de reste. Elle comprit qu’il fallait lui dire quelque chose d’aimable, pour le remercier, et adopta incontinent le langage petit-nègre, comme il sied lorsqu’on s’adresse à un étranger :

— Moi dire merci à vous… merci beaucoup… des flottes… Vous courage…, lui pas courage…

— Nô, pas courage, approuva l’Anglais.

Line continua lentement, en cherchant et en scandant ses mots pour se faire bien comprendre :

— Lui pas être champion !… Vous, champion !… Lui, champion à la mie de pain…, champion à la manque !

— Yès, à la manque, dit encore le petit homme.