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Elle allait dire oui, la petite Line ! Sûr, elle allait le dire, puisqu’elle n’osait plus dire non. Soudain, une voix claironnante et un peu nasillarde proféra :

— Je tenai le match !

Puis le journal étalé derrière la table voisine, immobile jusqu’alors, s’abattit brusquement et découvrit un monsieur qui se leva, fit trois pas en avant, et salua avec une raideur et une correction bien britanniques.

Il était petit, bas sur jambes, mais râblé, et d’une carrure presque anormale. Il avait une figure rougeaude, ronde et rogue, entièrement rasée, où luisaient de durs petits yeux gris, fixes et arrogants.

L’autre le regarda d’un air ahuri, puis murmura :

— Que… Comment dites-vous ?

— Je tenai le match, répéta l’inconnu. Et je faisai vôs knock-out sur trois rounds.

L’invincible champion parut reprendre un peu d’assurance, et répondit d’une voix plus tranquille :

— Pardon, monsieur, je ne comprends pas l’anglais.

Et il lui tourna le dos, comme si c’était une affaire finie.

Mais l’autre reprit, toujours raide et digne :

— Bon… Je disai en français : Je parie moâ casser le gueule de vôs… Vôs comprenez ?

L’homme imbattable devint très pâle, et se leva brusquement.

— Monsieur, dit-il, ce n’est pas en ces termes… Une rencontre n’est plus possible…, du moment où vous employez…

L’Anglais l’interrompit, en faisant un pas d’un air presque menaçant.

— Vôs avez peur ! prononça-t-il. Moâ je dis : Vôs avez peur !… Vôs pas tchempionne de boxe ! Vôs