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quelque temps chez moi, vous verrez qu’avant peu… En attendant, voulez-vous me faire le plaisir d’accepter une consommation, ainsi que votre amie ?

Oh ! comme elles étaient rouges, les joues de la petite Line, sous l’ombre de ses longs cils baissés ! D’une voix faible, elle murmura : « Non… non…, je vous remercie… » Mais sa petite main serrait le bras de Marion, de toutes ses forces, pour faire comprendre à son amie qu’elle devait attendre un peu, que ce ne serait pas poli de s’en aller comme ça, tout de suite…

Deux minutes plus tard, ils étaient installés tous trois à la terrasse d’un café.

On était très bien, à cette terrasse, dans l’ombre de la grande tente en coutil rayé. Il n’y avait là qu’un garçon efflanqué et mélancolique, puis, derrière la table voisine, un grand journal étalé, avec quatre gros doigts en boudins de chaque côté, et deux courtes jambes qui passaient par dessous. Quelque vieux bourgeois qui s’endormait sur de la politique…

La petite Line avait des frétillements d’oiseau qui sort du bain, des sourires de ravissements subits et inexplicables. Au contraire, cette grande bringue de Marion gardait un silence désapprobateur, et se tenait aussi raide qu’une autruche qui aurait avalé un parapluie dont la pomme ne veut pas passer. Entre elles deux, souriant et très à l’aise, le monsieur contait ses prouesses.

Ah ! oui, il en avait démoli, de ces boxeurs ! Des Anglais, des Allemands, des Autrichiens, des Russes, des Espagnols ! Tous, entendez-vous, tous ceux qu’on lui avait opposés ! Et il n’y en avait pas un qui fût jamais parvenu à l’effleurer seulement du bout du doigt ! C’était bien simple, du reste. Il n’avait qu’un coup, un seul, mais c’était un coup infaillible, quel-