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— Ah ! non ! dit-elle, c’est pas mon genre ! Moi, je voudrais un petit homme avec de beaux cheveux blonds qui frisent tout seuls, de grands yeux bleus, de longs cils noirs et une toute petite moustache. Il faudrait qu’il me raconte des choses tristes, comme dans les feuilletons, avec une petite voix très douce…

— T’auras ça pour un franc quatre-vingt-quinze ! interrompit la petite. Y en a plein la vitrine chez le marchand de jouets d’en face. Ça, au moins, c’est un homme ! En a-t-il des bras ! En a-t-il des jambes !

Elle rougissait, la petite Line, en regardant les jambes du monsieur. Toute crispée, elle se cramponna au bras de Marion, se serrant contre elle d’une étreinte nerveuse, lui entrant ses ongles dans la peau, à travers l’étoffe de la manche. Puis elle murmura d’une voix un peu oppressée :

— Ah !… un gaillard comme ça… pour vous serrer fort, fort, fort… tant qu’on ait bien mal…

Derrière elle, une voix prononça :

— Il n’a pourtant rien de bien extraordinaire, ce boxeur.

Line se retourna comme si on l’eût pincée quelque part. Un monsieur la regardait fixement, d’un air calme, un peu amusé. Il n’était pas mal, le monsieur : jeune, assez grand, l’air bien bâti. Il avait de longs cheveux noirs qui bouclaient en belles touffes au-dessus de ses oreilles, une longue moustache soyeuse que tortillait sa main chargée de grosses bagues. Et il répétait de sa voix tranquille :

— Rien… il n’a absolument rien d’extraordinaire…

Vous pensez bien que Line n’allait pas répondre à cet insolent. D’un air détaché, elle demanda à son amie :