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Les Deux Boxeurs


Line était toute petite, toute blonde, toute potelée, avec des fossettes partout. Marion était très grande, très noire, et osseuse comme un vieux cheval de fiacre. Elles trottaient de compagnie, sur le boulevard, quand la grande constata soudain que la petite n’était plus à son côté. Se retournant, elle la vit arrêtée devant un kiosque à journaux, la héla sans obtenir de réponse, revint sur ses pas et se planta auprès d’elle sans que cela interrompît sa contemplation. Le nez en l’air, les yeux luisants, un petit bout de langue pointue frôlant le coin de sa bouche gourmande, Line était en extase, Line regardait de toute son âme, sur la couverture d’une revue sportive, le portrait d’un boxeur à l’académie formidable, vêtu très simplement d’une paire de gants de quatre onces et d’un caleçon moins large que ses gants.

— Tu vas coucher là ? demanda Marion. Line parut s’éveiller. Ses paupières battirent, elle regarda son amie avec de grands yeux un peu étonnés, un peu vacillants, comme si elle sortait d’un rêve, puis dit avec un gros soupir :

— Crois-tu que sa mère était un peu là, pour la fabrication !

La grande bringue pinça les lèvres.