été un peu moins laid, un peu moins timide, si je n’avais pas dû travailler autant lorsque j’étais jeune, j’aurais pu connaître cela, moi aussi.
11 mars. — Hier soir, je me suis payé une place d’amphithéâtre pour voir débuter les petits amoureux. La pièce m’a paru bien inférieure à celles d’un genre analogue que l’on jouait dans mon jeune temps. Quant à mes voisins, ils ont chacun deux ou trois petits rôles tout à fait insignifiants. Je ne suis pas grand connaisseur, mais il m’a semblé qu’ils jouaient tous deux d’une façon médiocre. Puissé-je me tromper, mais je crains bien que ces deux pauvres enfants n’aient à travailler et à lutter plus qu’ils ne le croient, avant de triompher sur le théâtre français.
15 mars. — Les deux gosses d’à côté ont monté une véritable scie au vieux goret d’en face. Chaque fois qu’il se risque sur son balcon, eux s’installent à leur fenêtre et s’embrassent comme du pain, sans discontinuer, jusqu’à ce que le vieux se soit retiré d’un air furibond. Les séances de nuit continuent sans faiblir. Ah ! jeunesse, jeunesse !
29 mars. — Je crains bien pour eux que mes petits voisins n’aient que des principes très vagues en fait d’économie et de prévoyance. Un ancien machiniste, très au courant des choses du théâtre, m’a affirmé qu’à eux deux ils ne doivent pas gagner plus de cent cinquante francs par mois. Or, ils se payent, certains jours, des gueuletons que je n’oserais me permettre, moi qui vis seul, et dont la pension de retraite équivaut à peu près à leurs appointements. Par contre, certains indices me permettent de croire que depuis trois jours ils n’ont vécu que de pain et de pommes de terre frites.