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lument quelconque, mais la petite est toute blonde, toute mignonne, et jolie comme un cœur. Leurs conversations intimes m’ont appris que lui se nommait Adalbert, elle Yaya ; que, pour des raisons que je n’ai pas bien comprises, ils seront certainement, dans deux ans au plus tard, engagés à la Comédie-Française, mais qu’en attendant ils tirent le diable par la queue. Les séances de nuit continuent avec une intensité dont je ne me faisais pas la moindre idée.

7 mars. — Je viens de me faire une pinte de bon sang. Le vieux rentier d’en face, celui qui est si riche, paraît-il, et qui a une si mauvaise réputation, a eu le toupet d’envoyer une lettre d’amour à la petite Yaya.

Il était sur son balcon, et je prenais l’air à ma fenêtre, quand les deux petits voisins sont venus s’accouder à la leur. Je me suis un peu retiré, par discrétion, de sorte qu’ils n’ont pas soupçonné ma présence. La petite a lu à haute voix la lettre du vieux, en riant comme une folle. C’était une déclaration conçue dans les termes les plus ardents et appuyée des propositions les plus brillantes. Un rendez-vous y était proposé, et il suffirait, pour y consentir, de faire un signe discret au vieux rentier, tandis qu’il serait à son balcon, vers deux heures. Alors, pour faire signe, Yaya a empoigné son homme par la tête, et elle l’a embrassé partout, en veux-tu, en voilà ! Le vieux n’avait pas l’air content, et il s’est retiré en claquant sa fenêtre.

Après cela, mes voisins se sont payé une petite avance sur leur inévitable séance de nuit.

Décidément, ils s’adorent, ces enfants. Malgré mon âge avancé, je ne croyais pas que l’amour pût atteindre un pareil paroxysme. Dire que si j’avais