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de son nez flamboyant, dans une grimace anxieuse. Car il connaissait son caf’ conç’, le vieux cabot, et savait que les rares silences qui y règnent sont bien moins attentifs que chargés de réprobation.

— S’ils ne s’allument pas au second, pensa-t-il, la gosse va se faire emboîter…

Raidie, tous les nerfs tendus, le front barré d’un pli mince, Minouche reprit :

Viens sur le bord de la rivière,
Où chantent les petits oiseaux.
Nous nous baignerons dans l’eau clair…

…Rrrre… bourdonna une voix dans la salle.

Impassible en apparence, la chanteuse continua :

…Sous la paresse des roseaux.
Viens vers la forêt qui muraux…

… Rrrrre… dit encore la voix…

Jurer de nous aimer toujours,
Dans l’ombre fraîche des rame…

… Rrrrre… répéta la voix impitoyable.

Car c’est la fête de l’amour.

— Ça y est ! pleura Ciboulot. Au troisième, ils vont y aller tous en chœur, et on lui laissera même pas dégouliner son second machin, à la pauv’gosse !… Et puis v’là qu’elle écarte les pattes, à présent ! Elle sait seulement plus ce qu’elle fait !

En effet, Minouche venait de se camper solidement sur ses petits pieds écartés. Et, les poings aux hanches, un défi dans le regard, insolente et canaille comme il n’est pas permis de l’être, elle lança le troisième couplet d’une façon plus grotesque encore que n’avait fait le loustic de la salle :

Viens dans la clarté de l’auro… rrre
Baigner nos fronts resplendissants.
Ah ! viens me répéter enco…rrrre
De ton amour les doux serments.