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La Sainte-Touche


Ça marchait mal, très mal… Dans le wagon de troisième classe où les artistes de la tournée s’étaient entassés pour avoir moins froid, il n’y avait que le silence morne de ceux qui dormaient, avachis dans les coins, de ceux qui réfléchissaient, les mains dans les poches, le menton sur la poitrine. Derrière les vitres criblées de gouttes de pluie tremblantes et soudain dégoulinant en ruisseaux, on ne voyait qu’un vaste ciel triste et sale, hachuré par l’averse, de grands labours mornes et nus où la pluie stagnait en flaques de boue jaunâtre… Ça marchait mal, très mal… La veille, on avait joué devant des banquettes aux trois quarts vides, dans un théâtre qui avait été une église, puis une poudrière, et qui ressemblait à une prison, un théâtre sinistre, mal éclairé, pas chauffé, sentant la moisissure et le salpêtre, et où les grosses plaisanteries d’un médiocre vaudeville sonnaient faux, retombaient à plat dans une atmosphère lourde de malaise et d’angoisse… Ça marchait mal, très mal… Depuis deux mois que la tournée était en route, on n’avait payé tout juste que les défraiements, laissant les arriérés grossir à chaque dizaine. Et ç’avait été, peu à peu, la débâcle des minces économies, la gêne, la disette, la mouise, la crève. Car le défraiement tout