Page:Ista - Contes & nouvelles, tome I, 1917.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.
14

vant de grands verres de bière ou de petits verres de schiedam, dans la grande salle d’une maison qu’on nommait encore l’Hôtel de Ville, parce qu’on y avait fait un peu de politique aux temps lointains où la cité avait été fondée. Mais depuis bien longtemps, on n’y faisait plus que jouer aux dominos, fumer des pipes et boire de la bière ou du schiedam, parce que les Tschwytzois, se trouvant tous contents de leur sort, ne faisaient jamais de politique. Le plus âgé d’entre eux portait le titre de bourgmestre, pour le cas peu probable où le besoin d’une autorité se fût fait sentir. Mais le cas ne se présentait jamais, et la vie passait doucement, heureuse et calme, chez ces gens extraordinaires qui étaient satisfaits de leur destinée, et dont la race est éteinte depuis si longtemps.

Mais un jour, une nouvelle incroyable se répandit au cercle. De temps immémorial, les jeunes gens de Tschwytz s’étaient mariés entre eux, pour ne pas introduire d’éléments étrangers dans cette bienheureuse petite ville où tout le monde était si bien d’accord. Et voilà que la petite Mieke, une jolie blondine de dix-huit ans, s’était follement amourachée d’un jeune marchand de pipes, venu de Gouda pour vendre sa marchandise aux bourgeois de la ville, et qu’elle voulait à toute force l’épouser pour aller vivre avec lui dans son pays ! C’était une prétention inouïe, invraisemblable, contraire à tous les usages, aux coutumes les mieux établies. Aussi, tous les bourgeois s’écrièrent en chœur, dès qu’ils eurent appris cela :

— Que le bourgmestre fasse son devoir !

Et le bourgmestre répondit d’une voix ferme :

— Je vais consulter nos archives pour savoir quel est mon devoir.