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Le rossignol, sur la branche posé,
De son gosier, en longs flots d’harmonie,
Laissait tomber un hymne reposé,
Tout ruisselant de tendresse infinie,
Et puis bientôt, en chantre de génie,
Le long des murs, échos retentissants,
Faisait courir des sons plus éclatants.


C’était le mois de mai, quand tout était en fleur ; et il interprète le chant du rossignol dans le langage de sa passion :


Amants, amants, c’est un mois sans pareil,
Le mois de mai ! — notre bonheur commence.
Chantons l’été, le règne du soleil !
Narguons l’hiver, âpre désespérance !


Tandis qu’il contemple cette scène, qu’il prête l’oreille au chant des oiseaux, il tombe graduellement dans une de ces tendres et indéfinissables rêveries qui gonflent le sein de la jeunesse pendant cette délicieuse saison. Il se demande quel peut être cet amour dont ses lectures lui parlent si souvent et que semble respirer la brise vivifiante de mai, qui fond la nature tout entière en extases et en chansons. Si c’est réellement un si grand bonheur, s’il est à la portée de tous, et si c’est un bienfait dont jouit le plus insignifiant des êtres, pourquoi donc lui seul ne connaît-il pas ces délices ?


L’amour, mon Dieu, répand-il tant de joie ?
Suivrais-je pas une fausse lueur ?
Est-ce un bon maître, et faut-il que j’en croie
Ce que j’ai lu de son pouvoir vainqueur ?
Peut-il courber, amollir notre cœur ?
Exerce-t-il semblable tyrannie ?
Serait-ce pas mensonge et fantaisie ?

S’il est bien vrai que de tous il ait soin,
Comme un oiseau fuit sous le ciel immense,
Je dois pouvoir, moi, m’élancer au loin…
Je suis captif — quelle est donc mon offense ?


Tout en rêvant ainsi, ses yeux se portent vers la terre, et il