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semblables, et l’oblige à chercher dans ses puissances natives le moyen de s’élever au-dessus d’eux. Il est curieux aussi de descendre dans un cœur de monarque pour en connaître l’histoire, et de trouver les affections naïves de la nature humaine palpitant sous l’hermine. Mais Jacques avait appris à être poëte avant que d’être roi ; il avait été à l’école de l’adversité, il avait grandi dans la société de ses pensées. Rarement les rois ont le temps d’écouter leur cœur, d’arriver à la poésie par la méditation ; et Jacques aurait été élevé au milieu des adulations et des plaisirs d’une cour, que nous n’aurions jamais eu, très-probablement, un poëme comme le Chant royal.

Ce qui m’a surtout intéressé, ce sont les passages du poëme qui respirent ses pensées d’alors concernant sa situation, ou qui se lient étroitement à l’appartement de la tour. Le charme en est si personnel et si local, ils sont tracés avec tant de détail et de vérité, qu’ils montrent le captif dans sa prison et font du lecteur le complice de ses rêveries.

Tel est le récit qu’il fait de sa lassitude d’esprit, et de l’incident qui d’abord lui suggéra l’idée d’écrire ce poëme. Il était minuit — tout était silencieux, et la lune brillait dans un ciel pur. Il veillait. Les étoiles, dit-il, étincelaient comme le feu sous la voûte élevée du firmament, et « Cynthie plongeait ses boucles d’or dans Aquarius ». Il était couché, en proie à une inquiète insomnie. Pour tromper les heures au pied tardif, il prit un livre, et le livre qu’il choisit fut « Les Consolations de la Philosophie », de Boëce, ouvrage populaire parmi les écrivains de cette époque, qu’avait traduit Chaucer, son illustre maître. D’après l’éloge magnifique qu’il en a fait, il est évident que ce fut un de ses livres favoris au temps de sa captivité : c’est, en effet, dans l’adversité, le texte à méditation le plus admirable. C’est le testament d’un noble et puissant esprit, purifié par le chagrin et la souffrance, léguant à ses successeurs en infortune les maximes de douce morale, la suite de raisonnements éloquents mais simples qui l’ont mis à même de se raidir contre les nombreuses misères de la vie. C’est un talisman que le malheureux peut presser sur son sein comme un trésor, ou placer, comme le bon roi Jacques, la nuit sur son oreiller.

Après avoir fermé le volume, il en agite le contenu dans son