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les « grandes cours vertes », avec le soleil qui dorait les murailles grises et glissait le long du gazon velouté, mon esprit se remplit de l’image du tendre, du brave, mais infortuné Surrey, du récit qu’il fait de ses promenades solitaires autour de ces lieux, quand il était adolescent et qu’il adorait lady Géraldine. —


« L’œil ardemment fixé sur l’impassible tour,
« Prodigue de soupirs, comme on l’est en amour. »


C’est dans cette disposition de sensitivisme poétique que je visitai l’ancien donjon du château, où Jacques Ier d’Écosse, l’orgueil et le thème favori des poëtes et des historiens écossais, fut, pendant bien des années de sa jeunesse, retenu prisonnier d’État. C’est une grande tour grise qui a soutenu le choc des siècles et se trouve encore dans un bon état de conservation. Elle est assise sur une terrasse qui l’élève au-dessus des autres parties du château ; une longue série de marches conduit à l’intérieur. Dans l’arsenal, salle gothique garnie d’armes de genres divers et de diverses époques, on me montra, pendant à la muraille, une cotte d’armes qui, me dit-on, appartint autrefois au roi Jacques. De là je fus conduit, par un escalier, dans une enfilade de pièces d’une magnificence décolorée, tendues de tapisseries historiées, qui formèrent sa prison et furent le théâtre de cet amour plein de fantaisie passionnée qui a jeté sur le tissu de son histoire les teintes magiques de la poésie et de la fiction.

Toute l’histoire de cet aimable et malheureux prince est extrêmement romanesque. Dans un âge bien tendre, à onze ans, il dut quitter son pays, car son père, Robert III, l’envoyait à la cour de France pour y grandir sous les yeux du monarque français, loin de la trahison et des dangers qui se pressaient autour de la maison royale d’Écosse. Il eut le malheur, dans le cours de son voyage, de tomber entre les mains des Anglais, et fut retenu prisonnier par Henri IV, au mépris d’une trêve qui existait entre les deux pays.

La nouvelle de sa capture, arrivant pour couronner une suite de chagrins et de désastres, fut fatale à son malheureux père. « Le message », dit-on, « lui fut apporté pendant qu’il était à