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LE POËTE-ROI.


Bien que ton corps gémisse prisonnier,
Qu’il soit captif ton amour printanier,
Ton âme est belle : il n’est si rude entrave
Qui, l’étouffant, en ait fait une esclave.
Relève donc la tête noblement,
Et que tes fers soient portés fièrement.

Fletcher.


Dans le bienfaisant mois de mai, par une douce matinée pleine de soleil, je fis une excursion au château de Windsor. C’est un lieu rempli de souvenirs historiques, de poétiques associations. Du dehors, l’aspect seul de cet antique et fier édifice suffit pour inspirer des pensées élevées. Ses murailles irrégulières et ses tours massives se dressent, comme une couronne murale, sur une hauteur au front orgueilleux ; il laisse flotter dans les nuages sa royale bannière, et jette un regard de souverain sur ce monde qui s’étend à ses pieds.

Il faisait, ce matin-là, le temps le plus voluptueux et le plus enivrant, un de ces temps qui font surgir tout ce qu’une nature d’homme recèle de poésie latente, remplissent son âme de musique, et le disposent à parler poésie, à rêver de la beauté. Comme j’errais à travers les salles magnifiques du château, ses longues galeries retentissantes, je passai d’un air indifférent devant des rangées tout entières de portraits de guerriers et d’hommes d’État, mais restai longtemps dans la chambre où sont suspendus ceux des beautés qui ornèrent la joyeuse cour de Charles II ; et tandis que je dévorais des yeux ces têtes aux boucles en désordre, aux tresses amoureuses, aux regards humides de plaisir, je bénis le pinceau de sir Peter Lely de m’avoir ainsi permis de me chauffer aux rayons réfléchis de la beauté. Puis, en traversant