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Elle dit les chansons de ses plaines natales ;
Chants primitifs qu’il faisait répéter, —
Et chacun de vanter ces notes virginales
Lorsque son cœur va peut-être éclater.

Il aimait sa maîtresse, — il a vécu pour elle,
Et son pays — car il est mort pour lui.
Si la douleur de l’un jure d’être éternelle,
L’autre verra tôt finir son ennui.

Qu’on lui creuse une tombe où, quand le jour expire,
Les rayons empourprés s’arrêtent mollement ;
Qu’ils la baisent au front ; que ce soit un sourire
Venu de son pays, venu de l’Occident.


Un livre publié sans nom d’auteur au commencement de janvier 1858, et qui était un heureux retour au genre tempéré et contenu, si abandonné aujourd’hui, permet d’appeler les personnages par leur nom.

« On est en 1803. — E…, c’est Robert Emmet, qui à seize ans avait conçu le projet de délivrer l’Irlande, et qui à vingt-trois essaya de l’exécuter. L’autorité précoce de son caractère et de son éloquence semblait le désigner comme un chef de parti. Il passa en France, obtint du Premier Consul la promesse de seconder l’effort des Irlandais, et quand la guerre éclata entre la France et l’Angleterre, il revint en Irlande et donna le signal de l’insurrection. Il avait espéré qu’en criant : Liberté ! et en frappant du pied la terre, il en sortirait des légions. Cinquante hommes, ce fut toute l’armée du jeune libérateur. Repoussés, mis en fuite, ils se dispersèrent. La plupart quittèrent l’Irlande ; Robert voulut rester. Il aimait, — il refusa de partir, afin de revoir Mlle Sarah Curran. — C’était se perdre.

« Ce fut chez M. Penrose que Mlle Curran connut quelques années après un officier de l’armée anglaise, le capitaine Sturgeon, neveu de lord Fitz-William. L’amiral Napier, qui avait connu à Naples cette noble et intéressante personne, ne l’appelait pas autrement que « The walking statue », la statue qui marche. » (Note du traducteur.)

Ce simple récit n’a pas l’air d’un plaidoyer, et c’est le plus habile qu’on puisse faire pour Sarah, disait, à la date du 7 janvier 1858, dans un article des Débats, en parlant du volume anonyme que nous rappelions tout à l’heure, ce pauvre Hippolyte Rigault. Or ce qu’il disait du livre, nous le dirons de l’esquisse d’Irving. Les faits y sont exposés comme