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rais volontiers à l’habitude qu’ils ont de vivre en plein air, de poursuivre avec ardeur les divertissements fortifiants de la campagne. Ces mâles exercices impriment aussi à l’esprit, à l’humeur, un caractère de santé ; ils produisent une virilité, une simplicité de manières que les folies et les dissipations de la ville elles-mêmes ne peuvent aisément corrompre, et qu’elles ne peuvent jamais entièrement détruire. Et puis, à la campagne, les différentes classes de la société semblent s’approcher plus librement, être plus disposées à se fondre, à agir favorablement les unes sur les autres. Les distinctions qui existent entre elles ne semblent pas aussi marquées, aussi infranchissables que dans les villes. La manière dont la propriété a été distribuée, cette division en petits biens, en fermes, a établi une gradation régulière depuis le noble, en passant par les classes de la bourgeoisie, des petits propriétaires terriers et des riches fermiers, jusqu’au paysan et son labeur, et, tout en reliant ainsi les extrêmes de la société, a jeté dans chaque rang intermédiaire un esprit d’indépendance. Ceci, je dois l’avouer, n’est plus aussi généralement vrai maintenant qu’autrefois, les propriétés plus grandes ayant, pendant ces dernières années, années de misère, absorbé les propriétés plus petites, et, dans quelques parties de la contrée, presque annihilé la race vigoureuse des petits fermiers. Mais ce ne sont, je crois, que quelques mailles rompues dans le système général dont j’ai parlé.

Il n’y a rien de bas, de déshonorant dans les occupations de la campagne. Elles conduisent l’homme au milieu des belles et grandioses scènes de la nature ; elles le livrent aux méditations de son esprit, vivifiées par la plus pure des influences externes, celle qui vous grandit le plus. Un tel homme peut être simple et rude, il ne saurait être vulgaire. L’homme de la civilisation ne trouve, par suite, rien de révoltant en la fréquentation des classes inférieures dans la vie rustique, comme cela arrive quand, par hasard, il se mêle aux classes inférieures des villes. Il met de côté le sentiment de sa supériorité, sa réserve ; il est heureux de laisser reposer les distinctions de rang, et de prendre sa part des joies honnêtes et vivement senties de la vie commune. Oui, les amusements mêmes de la campagne unissent de plus en plus les hommes, et le bruit des chiens et du cor fond tous les sentiments