Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.

je ? il semble qu’elle soit plus heureuse que jamais ; elle n’a été pour moi qu’amour, que tendresse, que consolation !

— L’admirable fille ! m’écriai-je. Vous vous dites pauvre, mon ami : jamais vous ne fûtes aussi riche. — Vous ne saviez pas quels inépuisables trésors de perfection vous possédiez dans cette femme.

— Oh ! mon ami, si cette première entrevue là-bas avait seulement eu lieu, je crois que je pourrais me consoler. Mais c’est son premier jour d’expérience réelle ; introduite dans une humble demeure, elle a été occupée tout le jour à disposer les misérables objets qui doivent y trouver place ; — pour la première fois elle a connu les fatigues des soins domestiques ; — elle a pour la première fois jeté les yeux autour d’elle pour ne rencontrer qu’un intérieur dénué de toute chose élégante, — et presque de toute chose convenable ; et maintenant peut-être elle s’assied épuisée, sans courage, les yeux fixés sur cet avenir de pauvreté et de misère. »

Il y avait dans ce tableau une certaine vraisemblance ; je ne pouvais le contredire. — Nous marchâmes silencieusement.

Après nous être détournés de la grande route pour nous engager dans un étroit sentier, si fort ombragé de grands arbres que cela lui donnait l’air d’une profonde solitude, nous arrivâmes en vue de la chaumière. L’extérieur en était assez humble pour satisfaire le poëte le plus pastoral, et cependant elle avait un aspect rustique qui enchantait. Tout un bout était recouvert d’une profusion de feuilles de vigne sauvage ; quelques arbres y laissaient gracieusement retomber leurs branches ; et je remarquai plusieurs pots de fleurs disposés avec beaucoup de goût autour de la porte, et sur la pelouse, en avant. Un petit guichet ouvrait sur une allée bordée d’arbrisseaux qui serpentait jusqu’à la porte. Comme nous approchions, nous entendîmes le son de la musique. — Leslie serra mon bras : nous nous arrêtâmes pour écouter. C’était la voix de Marie, qui chantait avec simplicité et de la manière la plus touchante un petit air dont son mari était particulièrement amoureux.

Je sentis la main de Leslie trembler sur mon bras. Il fit quelques pas en avant afin d’entendre plus distinctement ; son pied fit résonner le sable de l’allée. Un visage radieux et beau parut