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pusculaires ; les étoiles filent, les météores flamboient dans le vallon plus souvent que dans toute autre partie de la contrée, et la nocturne cavale, avec ses neuf poulains, semble en faire le théâtre favori de ses gambades.

Mais parmi les esprits qui hantent cette région enchantée, il est un esprit dominant et qui semble être le commandant en chef de toutes les puissances de l’air : c’est l’apparition d’une forme équestre sans tête. Suivant quelques-uns, ce serait le fantôme d’un cavalier hessois dont la tête fut emportée par un boulet, dans quelque bataille sans nom, pendant la guerre révolutionnaire, et qui de temps à autre est aperçu par les gens du pays, dévorant l’espace dans les ténèbres de la nuit, comme s’il était porté sur les ailes du vent. Ses visites ne sont pas bornées au vallon, mais s’étendent parfois aux routes adjacentes, et particulièrement au voisinage d’une église située non loin de là. Enfin quelques-uns des historiens les plus dignes de foi de ces parages, qui ont eu le soin de recueillir et de confronter les faits indécis concernant ce spectre, prétendent que le corps du cavalier ayant été enterré dans le cimetière, le fantôme chevauche la nuit vers le théâtre du combat, à la recherche de sa tête, et que la rapidité vertigineuse avec laquelle il traverse quelquefois le vallon, semblable à une rafale de minuit, tient à ce qu’il s’est attardé et a hâte de regagner le cimetière avant le point du jour.

Telle est la.teneur générale de cette superstition légendaire, qui a fourni dans cette région d’ombres les matériaux de plus d’un récit étrange ; et le spectre est connu dans toutes les veillées du pays sous le nom de Cavalier sans tête du Vallon endormi.

Il est à remarquer que le penchant aux visions dont j’ai parlé ne se borne pas aux naturels de la vallée, mais est, sans qu’ils s’en doutent, partagé par tous ceux qui y résident un certain laps de temps. Quelque parfaitement éveillés qu’ils pussent être avant d’entrer dans cette région somnifère, ils ne manquent jamais, pour peu qu’ils y séjournent, d’aspirer la magique influence de l’air, et se mettent à donner dans les imaginations, — à rêver des rêves et à voir des apparitions.

Je mentionne ce paisible endroit avec tous les éloges possibles ; car c’est dans ces petites et solitaires vallées hollandaises que l’on trouve çà et là au cœur du grand état de New-York que la popu-