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esprit une impression plus profonde que maintes circonstances d’une nature plus frappante. J’ai traversé depuis cet endroit, et visité de nouveau l’église, poussé par un meilleur motif qu’une simple curiosité. C’était une soirée d’hiver ; les arbres étaient dépouillés de leur feuillage ; le cimetière apparaissait nud et morne, et le vent soufflait glacé au travers de l’herbe desséchée. Mais des arbustes à feuilles persistantes avaient été plantés autour du tombeau de la favorite du village, et l’osier se courbait au-dessus pour préserver le gazon de toute injure.

La porte de l’église était ouverte ; j’y entrai. Là se suspendaient la guirlande de fleurs et les gants, comme au jour des funérailles : les fleurs étaient flétries, il est vrai ; mais il semblait qu’on eût pris soin d’empêcher que la poussière n’en ternît la blancheur. J’ai vu bien des monuments où l’art a épuisé ses secrets pour éveiller la sympathie du spectateur, mais je n’en ai jamais rencontré qui parlât à mon cœur d’une façon plus touchante que le simple mais délicat souvenir d’innocence exhalée.


LE PÊCHEUR À LA LIGNE.


Nature ce jour-là semblait être amoureuse.
Déjà se réveillait la sève vigoureuse ;
Du cep elle gonflait le tissu serpentin ;
Les oiseaux avaient pris chacun leur valentin.
La truite, qui, craintive, au fond de l’eau demeure
Remontait pour se prendre à l’invisible leurre.
Mon patient ami, là d’efforts redoublait,
Ne quittant pas des yeux sa ligne qui tremblait.

Sir H. Wotton.


On dit que bien des mauvais garnements sont amenés à s’enfuir de chez leurs parents et à embrasser la vie de marin pour avoir lu l’histoire de Robinson Crusoë ; je soupçonne que, de