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manche, ses mains enfermées dans les leurs, la croisée ouverte toute grande, pendant qu’un doux zéphyr se glissait dans la chambre, apportant avec lui le parfum du chèvrefeuille que ses propres mains avaient planté autour de la fenêtre.

Son père venait de lire un chapitre de la Bible ; il y était parlé de la vanité des choses terrestres et des joies du ciel : cette lecture semblait avoir versé dans son sein la consolation et la sérénité. Ses yeux s’étaient arrêtés dans le lointain sur l’église du village : la cloche avait tinté pour le service du soir ; le dernier villageois s’attardait sous le porche ; et tout était plongé dans cette immobilité sainte particulière au jour du repos. Ses parents la couvaient des yeux, le cœur gros d’inquiétude. La maladie et le chagrin, qui passent si rudement sur certaines figures, avaient donné à la sienne l’expression d’un visage de séraphin. Une larme tremblait dans son bel œil bleu. — Pensait-elle à son déloyal amant ? — ou ses pensées errantes étaient-elles dans ce cimetière lointain au sein duquel elle serait peut-être bientôt déposée ?

Soudain un bruit de sabots de cheval se fait entendre ; — un cavalier galope jusqu’à la chaumière, — met pied à terre devant la fenêtre ; — la pauvre fille pousse une faible exclamation et retombe au fond de sa chaise : c’était son amant que ramenait le repentir ! Il se précipita dans la maison, et courut la presser sur son sein ; mais sa beauté ravagée, — son visage où se peignait la mort, — si blême, et cependant si charmant dans sa désolation, — lui percèrent le cœur, et il se jeta plein d’angoisse à ses pieds. Elle était trop faible pour se lever, — elle essaya de lui tendre sa main tremblante ; — ses lèvres remuèrent comme si elle parlait, mais aucun mot ne fut articulé ; — elle abaissa sur lui des regards où se peignait un sourire d’une inexprimable tendresse, — et ferma les yeux pour toujours.

Tels sont les détails que je recueillis sur cette histoire villageoise. Ils sont bien maigres, et je sais bien qu’ils ne se recommandent point par une grande nouveauté. Dans la rage actuelle pour les incidents étranges et les récits de haut goût, ils pourront sembler rebattus et insignifiants ; mais ils m’intéressèrent fortement à cette époque, et, pris dans leur rapport avec la touchante cérémonie dont je venais d’être témoin, firent sur mon