Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/338

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses fêtes rustiques et ses joyeux amusements, et observait encore les rites autrefois si populaires de Mai. Ils avaient même été protégés par son pasteur actuel, qui était passionné pour les vieilles coutumes, et un de ces naïfs chrétiens qui croient avoir rempli leur mission en propageant la joie sur la terre et le bon vouloir, parmi les hommes. Sous ses auspices le mai s’élevait d’année en année au milieu de la pelouse du village ; le 1er mai on le décorait de guirlandes et de banderoles, et une reine de mai ou dame de la Saint-Philippe était chargée, comme aux anciens jours, de présider aux divertissements et de distribuer les prix et les récompenses. La situation pittoresque du village et l’originalité de ses fêtes rustiques attiraient souvent l’attention de visiteurs conduits par le hasard. De ce nombre, un premier jour de mai, se trouvait un jeune officier dont le régiment avait pris depuis peu ses quartiers dans le voisinage. Il fut séduit par le goût naturel dont était empreinte cette pompe villageoise, et plus encore par les naissants attraits de la reine de mai. C’était la favorite du lieu ; elle était couronnée de fleurs, rougissant et souriant dans toute la délicieuse confusion d’une timidité et d’un bonheur de jeune fille. La simplicité de mœurs qui règne au village le mit facilement à même de faire sa connaissance ; il se fraya graduellement un chemin dans son intimité, et lui fit sa cour de la façon imprévoyante dont les jeunes officiers sont portés à se jouer de la candeur rustique.

Il n’y avait rien, du reste, dans ses avances qui pût effaroucher ou alarmer. Il ne parlait même jamais d’amour, mais il y a des manières de le faire plus éloquentes que le langage, et qui le portent subtilement et irrésistiblement au cœur. L’éclat du regard, le son de voix, les mille tendresses qui émanent de chaque mot, de chaque coup d’œil, de chaque action, — voilà ce qui forme la véritable éloquence de l’amour, et ce que l’on peut toujours sentir et comprendre, mais ce qu’on ne décrira jamais. Faut-il s’étonner qu’ils aient fait aisément la conquête d’un cœur jeune, sincère et impressionnable ? Quant à elle, elle aima presque à son insu ; c’est à peine si elle se demanda quelle était cette passion grandissante qui absorbait toutes ses pensées et tous ses sentiments, ou quelles en seraient les conséquences. À dire vrai, elle ne songeait pas à l’avenir. Présent, ses