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des plus inextricables logements qu’on puisse imaginer. Une aile tout entière est occupée par la chapelle de famille, vénérable édifice qui doit avoir été excessivement somptueux, et qui vraiment, malgré tout, bien qu’il ait été modifié, simplifié à diverses reprises, conserve encore un grand air de pompe religieuse. Au dedans, les murs en sont historiés des monuments des ancêtres de John ; et elle est chaudement garnie de moelleux coussins et de chaises bien doublées, où tels de sa famille qui ont du goût pour les offices peuvent s’assoupir à leur aise tout en s’acquittant de leurs devoirs de piété.

Il en a coûté beaucoup d’argent à John pour soutenir cette chapelle ; mais il est inébranlable dans sa croyance, et dans son zèle se pique d’honneur, par suite de cette circonstance que maintes chapelles dissidentes se sont élevées dans son voisinage, et que plusieurs de ses voisins, avec lesquels il a eu des démêlés, sont d’enragés papistes.

Pour faire le service de la chapelle il entretient, à frais énormes, un pieux et révérend chapelain de famille. C’est un personnage très-instruit, ami du décorum, et un chrétien vraiment bien élevé, qui toujours appuie le vieux gentleman dans ses opinions, cligne discrètement de l’œil à ses petites peccadilles, réprimande les enfants lorsqu’ils sont mutins, et est d’une utilité grande pour exhorter les tenanciers à lire leur Bible, à dire leurs prières, et surtout à solder ponctuellement leurs fermages, et sans grommeler.

Les appartements de la famille sont d’un goût très-suranné, quelque peu lourds, et souvent incommodes, mais offrant l’imposante magnificence de l’ancien temps, garnis de tapisseries riches bien que fanées, d’un mobilier pesant et d’un attirail de vieille vaisselle massive superbe. Vastes cheminées, spacieuses cuisines, caves immenses, somptueuses salles de banquet, tout parle de la bruyante hospitalité des anciens jours, dont les réjouissances de la maison seigneuriale moderne ne sont qu’une ombre. Mais il y a des enfilades tout entières de chambres en apparence désertes et rongées par le temps, des tours et des tourelles chancelantes et qui menacent ruine ; de telle sorte que par les grands vents les personnes de la maison courent risque de les voir tomber sur leur tête.