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aimable et plein de grandeur qui suffisent à inspirer de la sympathie pour son sort et du respect pour sa mémoire. Nous voyons qu’au milieu de tous les soucis épuisants et des ardeurs féroces d’une guerre incessante, il était accessible aux sentiments plus doux de l’amour conjugal et de la tendresse paternelle, et au généreux sentiment de l’amitié. On parle de la captivité de ses « bien-aimés femme et fils unique » avec bonheur, comme lui causant un violent chagrin ; la mort de quelque intime ami est enregistrée avec triomphe comme un nouveau coup porté à sa sensibilité, et il est dit que la désertion et la perfidie d’un grand nombre de ses compagnons sur l’affection desquels il s’était reposé déchirèrent son cœur et le fermèrent à toute espérance dans l’avenir. Ce fut un patriote attaché à sa terre natale — un prince fidèle à ses sujets, et qui ne put les voir opprimer — un soldat plein de bravoure dans les combats, ferme dans l’adversité, supportant sans se plaindre les fatigues, la faim, toute espèce de souffrance corporelle, et prêt à mourir pour la cause qu’il avait épousée. Cœur altier, rempli d’un indomptable amour pour la liberté naturelle, il aima mieux en jouir au milieu des muets habitants de la forêt, ou dans les affreuses et stériles retraites de ses marécages, que de plier son esprit hautain à la soumission et vivre dépendant et méprisé dans le repos et le luxe des établissements. Avec des qualités héroïques et des talents militaires qui auraient suffi à la gloire d’un guerrier civilisé, et en auraient fait le thème du poëte et de l’historien, il a vécu errant et fugitif dans son pays natal, et s’est évanoui comme une barque solitaire qui sombre au milieu des ténèbres et de la tempête — et pas un œil compatissant n’a pleuré sa ruine, pas une plume amie n’a raconté ses luttes.