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de leurs enfants. « L’incendie de leurs wigwams, dit un auteur contemporain, les cris aigus et les lamentations des femmes et des enfants, et les hurlements des guerriers, offraient le spectacle le plus horrible et le plus touchant, au point que quelques soldats en furent grandement émus. » Le même écrivain ajoute avec circonspection : « ils étaient en grand suspens alors, et dans la suite s’enquirent sérieusement si brûler leurs ennemis était bien conforme à l’humanité et aux principes bienveillants de l’Évangile[1]. »

Le sort du brave et généreux Canonchet mérite une mention particulière, la dernière scène de sa vie offrant un des plus beaux exemples qu’on puisse relater de la magnanimité indienne.

Brisé dans sa puissance et dans ses ressources par cette défaite signalée, fidèle cependant à son allié et à la malheureuse cause qu’il avait épousée, il rejeta toutes les propositions de paix offertes sous la condition de trahir Philippe et ses partisans, et déclara « qu’il combattrait jusqu’à son dernier homme plutôt que de devenir l’esclave des Anglais ». Son habitation était détruite, son pays épuisé, ravagé par les incursions des vainqueurs : il fut obligé de gagner en vagabond les bords lointains du Connecticut, où il établit un point de ralliement pour tout le corps des Indiens de l’ouest, et ravagea plusieurs des établissements anglais.

Au commencement du printemps, il partit pour une hasardeuse expédition, avec seulement trente hommes choisis, afin de pénétrer jusqu’à Seaconck, dans le voisinage de Mount Hope, et de se procurer du blé de semence pour l’alimentation future de ses troupes. Cette petite bande d’aventuriers avait traversé sans encombre le pays Pequod, et se trouvait au centre du Narrhaganset, se reposant dans quelques wigwams près de la rivière de Pautucket, quand l’alarme fut donnée. — N’ayant en ce moment près de lui que sept hommes, Canonchet en dépêcha deux vers le sommet d’une colline prochaine, pour lui apporter des nouvelles de l’ennemi.

Frappés d’une terreur panique à la vue d’une troupe d’Anglais et d’Indiens qui s’avançaient rapidement, ils s’enfuirent éperdus

  1. Manuscrit du révérend W. Ruggles.