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ils furent visités par Massasoït, premier sagamore des Wampanoags, chef puissant qui régnait sur une grande étendue de pays. Loin de prendre avantage du petit nombre des étrangers, et de les chasser de ses États, sur lesquels ils étaient en ce moment, il sembla concevoir tout d’abord à leur endroit une généreuse amitié, et étendit vers eux les rites de l’hospitalité primitive. Il vint au commencement du printemps à leur établissement de New-Plymouth, suivi d’une simple poignée d’hommes, passa avec eux un traité solennel de paix et d’alliance, leur vendit une portion du sol, et promit de leur concilier le bon vouloir des sauvages ses alliés. Quoi que l’on puisse dire de la perfidie indienne, toujours est-il que la loyauté et la bonne foi de Massasoït ne furent jamais incriminées ; il demeura le ferme et magnanime ami des blancs, les laissant étendre leurs possessions et prendre racine dans le pays, et ne montrant aucune jalousie de l’accroissement de leur pouvoir et de leur prospérité. Peu de temps avant sa mort, il vint encore une fois à New-Plymouth avec son fils Alexandre, dans le but de renouveler le traité de paix et de l’assurer à sa postérité.

Dans cette conférence, il s’efforça de protéger la religion de ses pères contre le zèle envahisseur des missionnaires, et stipula qu’il ne serait fait ultérieurement aucune tentative pour arracher ses sujets à leur ancienne croyance ; mais, voyant les Anglais obstinément opposés à toute condition de cette nature, il abandonna doucement sa demande. Presque le dernier acte de sa vie fut de mener ses deux fils, Alexandre et Philippe (ainsi les avaient nommés les Anglais), à la résidence de l’un des principaux colons ; il recommanda un bon vouloir et une confiance réciproques, et fit des vœux pour que cette affection et cette sympathie qui avaient existé entre les blancs et lui-même pussent continuer dans la suite avec ses enfants. Le bon vieux Sachem mourut en paix, et eut le bonheur d’être réuni à ses pères avant que l’affliction s’abattît sur sa tribu ; ses enfants restaient pour éprouver l’ingratitude des blancs.

Son fils aîné, Alexandre, lui succéda. Il était d’un caractère vif et impétueux, et particulièrement jaloux de ses droits et de sa dignité héréditaires. La politique d’envahissement des étrangers et l’espèce de dictature exercée par eux excitèrent son indigna-