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tendre est l’accueil qu’ils reçoivent, que, placés dans cette alternative, souvent ils aimeront mieux rester avec leurs frères d’adoption que retourner vers la demeure et les amis de leur jeunesse.

La cruauté des Indiens envers leurs prisonniers s’est accrue depuis la colonisation des blancs. Ce qui primitivement était une nécessité de la politique et de la superstition est devenu, par suite de l’exaspération, la satisfaction d’un désir de vengeance. Il leur est impossible de ne pas sentir que les blancs sont les usurpateurs de leur ancienne puissance, la cause de leur dégradation, les infatigables destructeurs de leur race. Ils marchent au combat saignants sous les injures et les outrages qu’ils ont individuellement soufferts, et sont poussés à la folie et au désespoir par la désolation au vol rapide et les ruines sans cesse grandissantes que fait la guerre européenne. Trop souvent les blancs leur ont donné l’exemple de la violence en brûlant leurs villages et en anéantissant leurs maigres moyens de subsistance ; et après cela ils s’étonnent que des sauvages ne fassent pas preuve de modération et de magnanimité à l’égard de ceux qui ne leur ont rien laissé que l’existence pure et simple et la misère !

Nous stigmatisons aussi les Indiens comme lâches et perfides parce qu’ils usent de stratagèmes à la guerre par préférence à la force ouverte ; mais ils sont en cela pleinement justifiés par leur rude code de l’honneur. On leur apprend, dès leur plus jeune âge, que le stratagème est digne d’éloges ; le guerrier le plus brave ne croit pas qu’il y ait de la honte à se tapir en silence et à prendre tout avantage sur son adversaire : il triomphe dans la finesse, la sagacité supérieures qui l’ont mis à même de surprendre et de détruire un ennemi. Dans le fait, l’homme est naturellement plus enclin à la ruse qu’à la franche bravoure : cela tient à sa faiblesse physique par rapport aux autres animaux. Ils sont munis d’armes naturelles de défense : de cornes, de défenses, de sabots et de serres ; l’homme a reçu en partage une sagacité supérieure. Dans toutes ses rencontres avec ceux-ci, ses ennemis-nés, il a recours au stratagème ; et quand il tourne, dans sa perversité, ses armes contre son semblable, il commence d’abord par employer la même tactique.

Le principe naturel de la guerre est de faire le plus de mal possible à son ennemi en recevant le moins de mal possible soi-même ;