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écussons et les louanges achetées d’une multitude titrée ? Qu’eût été un étroit recoin de l’abbaye de Westminster, comparé à ce vénérable édifice, qui, se dressant dans une magnifique solitude, semble n’être que son mausolée ? La sollicitude au sujet de la tombe peut n’être que le fruit d’une sensibilité surexcitée ; mais la nature humaine est construite de faiblesses et de préjugés, et ses meilleures, ses plus tendres affections se confondent avec ces sentiments factices. Celui qui a de par le monde cherché la renommée, et qui a récolté une ample moisson de faveurs mondaines, verra bien, après tout, qu’il n’est pas d’amour, pas d’admiration, pas d’applaudissements aussi doux à l’âme que ceux qui s’élèvent de son lieu natal. C’est là qu’il aspire à être ramené paisiblement et chargé d’honneur au milieu de ses parents et de ses amis d’enfance. Et quand son cœur lassé, sa tête qui faiblit, commencent à l’avertir que le soir de la vie approche, il y revient avec autant d’empressement qu’en met un marmot à se jeter dans les bras de sa mère, pour s’affaisser dans le sommeil, chaudement abrité parmi les scènes de son enfance.

Que cela eût réjoui le cœur du jeune poëte, quand, exilé, forcé d’errer au loin sur un monde incertain, il se retourna pour laisser tomber un regard alourdi sur la maison paternelle, s’il avait pu prévoir qu’avant peu d’années il y rentrerait couvert de renommée ; que son nom deviendrait l’orgueil et la gloire de son pays natal ; que celui-ci garderait religieusement ses cendres comme son plus précieux trésor ; et que ce clocher qui s’effaçait, sur lequel ses yeux étaient fixés dans une contemplation mouillée de larmes, serait un jour le phare, s’élevant dans les airs au milieu d’un charmant paysage, qui guiderait vers sa tombe le pèlerin littéraire de toutes les nations !