Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle mit entre mes mains une pièce de sa propre composition qui vint porter un éclatant défi à toute croyance dans cette parenté.

Du lieu de naissance de Shakspeare quelques pas me conduisirent à son tombeau. Il repose enseveli dans le cancel de l’église de la paroisse, grand et vénérable édifice s’en allant en poussière de vieillesse, mais richement décoré. Elle se dresse sur les bords de l’Avon, en un point entouré de berceaux et séparé par des jardins contigus des faubourgs de la ville. La situation en est tranquille et retirée : la rivière coule en murmurant au pied du cimetière, et les ormes qui croissent sur ses rives baignent leurs branches dans ses eaux limpides. Une avenue de tilleuls, dont les rameaux sont curieusement entrelacés, de manière à former en été une voûte de feuillage, mène de la porte du cimetière au porche de l’église. Les tombeaux sont recouverts de gazon ; les pierres sépulcrales, grises et dont quelques-unes sont presque enfoncées dans la terre, sont à demi recouvertes de mousse, laquelle a teinté de même le vénérable et vieil édifice. De petits oiseaux ont construit leurs nids au milieu des corniches et des fissures de murailles, et entretiennent une agitation, un gazouillement continuels ; et des grolles naviguent à pleines voiles et roucoulent autour de son orgueilleux clocher gris.

Dans le cours de mes excursions je fis rencontre du sacristain à tête grise, Edmonds, et l’accompagnai chez lui pour prendre la clef de l’église. Il avait habité Stratford, homme mûr et enfant, pendant quatre-vingts ans, et semblait encore se considérer comme un homme vigoureux, à cela près, mais c’était une bagatelle, qu’il avait presque perdu l’usage de ses jambes depuis quelques années. Sa demeure était une chaumière ayant vue sur l’Avon et les prairies qui le bordent ; c’était un type de la propreté artistique, de l’ordre, du confortable qui règnent dans les plus humbles demeures de ce pays. Une chambre basse et blanchie à la chaux, aux carreaux soigneusement lavés, servait de salon, de cuisine et de salle à manger. Des rangées de vases d’étain et de plats en terre reluisaient le long du dressoir. Sur une vieille table de chêne bien frottée, bien polie, étaient la vieille Bible de famille et le livre de prières, et le tiroir renfermait la bibliothèque de famille, composée d’une demi-douzaine environ de volumes souvent feuilletés. Une horloge antique, cet important article d’un mobilier