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d’autre, il prouve être une puissante égide, un grand bienfait national. Il a passé la plus grande partie de sa vie dans le voisinage de la Petite-Bretagne, jusqu’à ces dernières années, quand étant devenu riche, et parvenu à la dignité de marguillier, il a commencé à prendre du bon temps et à voir le monde. Il a fait, en conséquence, plusieurs excursions à Hampstead, à Highgate et autres villes environnantes, où il a passé des après-midi tout entières à regarder la capitale au travers d’un télescope et à s’efforcer de découvrir le clocher de Saint-Barthélemy. Pas un conducteur de diligence dans Bull-and-Mouth street qui ne porte la main à son chapeau quand il passe, et il est considéré comme un patron au bureau des voitures du Gril et de l’Oie, St Paul’s Churchyard. Sa famille a beaucoup insisté auprès de lui pour qu’il fît une expédition à Margate ; mais il a une grande appréhension de ces satanées inventions nouvelles, les bateaux à vapeur, et se croit d’ailleurs par trop avancé dans la vie pour entreprendre des voyages sur mer.

La Petite-Bretagne a de temps à autre ses factions et ses divisions, et l’esprit de parti se donna à certaine époque un furieux essor par suite de l’établissement dans l’endroit de deux sociétés rivales pour les sépultures. Le Cygne et le Fer à cheval voyait l’une tenir ses séances sous la protection du marchand de fromages ; le Coq et l’Écu donnait asile à l’autre sous les auspices de l’apothicaire : inutile de dire que cette dernière était la plus florissante. J’ai consacré une soirée ou deux à chacune, et j’ai acquis des connaissances vraiment très précieuses quant à la meilleure manière d’être enseveli, aux mérites comparatifs des différents cimetières, en même temps que diverses notions au sujet des cercueils en fer brevetés ; sans compter que j’ai entendu traiter la question sous toutes ses faces quant à la légalité de la prohibition portée contre ces derniers à cause de leur durée. Les haines occasionnées par ces sociétés se sont heureusement éteintes depuis peu, mais elles furent pendant longtemps des sujets de controverse universelle, les habitants de la Petite-Bretagne étant extrêmement soucieux des honneurs funèbres et désireux de reposer confortablement dans leurs tombeaux.

Outre ces deux sociétés pour les sépultures, il en est une troisième offrant un caractère tout autre, et qui tend à amener sous