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à lui, il avait été quelque peu voyageur, étant allé une fois en France et ayant été bien près de faire une visite à la Hollande. Il regrettait de n’avoir pas vu ce dernier pays, « parce qu’alors il aurait pu dire qu’il y était allé. » C’était évidemment un voyageur de l’espèce naïve.

Il était aristocrate, d’ailleurs, dans ses relations ; se tenant à l’écart, ainsi que je le découvris, du commun des pensionnaires. Sés principaux camarades étaient un aveugle qui parlait le latin et le grec (Hallum était profondément ignorant de l’une et l’autre de ces langues), et un gentleman ruiné qui avait percé d’outre en outre une fortune de quarante mille livres sterling que lui avait laissée son père, plus dix mille livres sterling, dot de sa femme. Le petit Hallum paraissait considérer comme un signe indubitable de race aussi bien que de grand caractère d’être capable de dissiper de pareilles sommes.

P. S. — Le pittoresque débris du vieux temps dans lequel j’ai peu à peu fait pénétrer mon lecteur est ce que l’on appelle le Charter-House, dans le principe la Chartreuse. La fondation eut lieu en 1611, sur les débris d’un ancien couvent, par Sir Thomas Sutton ; c’est un de ces nobles établissements de bienfaisance créés par la munificence d’un simple particulier, entretenus avec le soin minutieux et la superstition qui caractérisent les choses du vieux temps au milieu des changements et des innovations de Londres moderne. Là, quatre-vingts hommes délabrés, qui ont vu des jours meilleurs, sont pourvus dans leur vieillesse d’aliments, de vêtements, de feu, et d’une allocation annuelle pour leurs dépenses particulières. Ils dînent ensemble, comme faisaient autrefois les moines, dans la grande salle, qui était jadis le réfectoire du couvent. Est attachée à l’établissement une école pour quarante-quatre garçons.

Stowe, dont à ce sujet j’ai consulté l’ouvrage, parlant des obligations auxquelles sont astreints les pensionnaires à tête grise, dit : « Ils ne doivent se mêler en rien des choses qui concernent les affaires de l’hospice, mais s’appliquer uniquement au service de Dieu, et prendre avec reconnaissance ce qu’on leur a destiné, sans marmonner, murmurer ou grogner. Défense d’avoir aucune arme, de porter les cheveux longs, des bottes de couleur, des éperons ou des souliers de couleur, autre