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élevé d’une couchette mode antique grimaçait une tête humaine, flanquée de chaque côté d’un chat desséché.

Je m’approchais pour considérer de plus près cette chambre mystérieuse, qui me semblait un laboratoire à l’usage d’un nécromancien, quand je reculai d’effroi à la vue d’une forme humaine me regardant fixement d’un obscur recoin. C’était celle d’un petit vieillard ratatiné, aux joues creuses, aux yeux clairs et aux sourcils gris et métalliques. Je me demandai d’abord si ce n’était pas une momie merveilleusement conservée, mais cela se mouvait, et je reconnus qu’il vivait. C’était un autre de ces vieillards aux manteaux noirs ; et comme j’observais sa physionomie bizarre, son costume suranné, les objets hideux et sinistres dont il était entouré, je commençai à croire que je me trouvais en face de l’archi-mage qui dirigeait cette confrérie magique.

Me voyant arrêté devant la porte, il se leva et m’invita à entrer. J’obéis avec une hardiesse singulière, car savais-je si un mouvement de sa baguette ne pouvait pas me métamorphoser en quelque monstre sans nom, ou me faire passer, au moyen d’une conjuration, dans une des bouteilles qui garnissaient le dessus de la cheminée ? Il se trouva cependant que ce n’était rien moins qu’un sorcier, et sa loquacité naïve fit bientôt évanouir toute la magie, tout le mystère dont j’avais enveloppé cet antique édifice et ses non moins antiques habitants.

Il se trouva que j’avais pénétré au centre d’un antique asile pour les commerçants parvenus à une extrême vieillesse et les pères de famille ruinés, auquel était attachée une école pour un nombre limité d’enfants. Il avait été fondé deux siècles auparavant sur les ruines d’un vieil établissement monastique, et avait conservé quelque chose de l’aspect et du caractère religieux. Le sombre cordon de vieillards en manteaux noirs qui avaient passé devant moi dans la salle, et que j’avais élevés à la dignité de mages, c’étaient les pensionnaires qui revenaient du service du matin dans la chapelle.

John Hallum, le petit collectionneur de curiosités dont j’avais fait un magicien chef, habitait depuis six ans ces lieux, et avait décoré ce dernier nid, où s’était blottie sa vieillesse, de débris et de raretés recueillies dans le cours de sa vie. Dans son opinion