Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/253

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

volume, s’efforçant d’égaler dans les productions de son cerveau la grandeur de l’édifice qui l’abritait.

Pendant que je poursuivais ainsi ma pensive méditation, une petite porte à panneaux, dans une arcade au haut bout de la salle, vint à s ’ouvrir, et nombre de vieillards à tête grise, vêtus de longs manteaux noirs, s’avancèrent un à un ; traversant la salle sans prononcer un mot, chacun d’eux tournant vers moi, quand il passait, un visage blême, et disparaissant par une porte pratiquée au bas bout.

Je fus singulièrement frappé de l’aspect de ces vieillards ; leurs manteaux noirs et leur air suranné s’harmonisaient bien avec le style de ce très-vénérable et très-mystérieux édifice. C’était comme si les fantômes des temps évanouis qui avaient fait l’objet de ma rêverie eussent défilé devant moi. On sait si je me complais dans ces imaginations : je me mis donc en route, d’après le code qui régit les aventures merveilleuses, pour explorer ce que je me représentais comme un royaume d’ombres existant au centre même des réalités palpables.

Mon excursion me conduisit à travers un labyrinthe de cours et de corridors intérieurs et de cloîtres délabrés, car l’édifice principal avait beaucoup d’annexes et de dépendances, construits à différentes époques et suivant des styles divers. Dans un espace découvert, nombre d’enfants, qui appartenaient évidemment à l’établissement, se livraient à leurs jeux ; mais partout je retrouvais ces mystérieux vieillards à cheveux gris et aux manteaux noirs, quelquefois flânant isolés, quelquefois en groupes et causant : ils semblaient être les génies familiers du lieu. Je me rappelai alors ce que j’avais lu de certains collèges au temps jadis, où l’on enseignait l’astrologie judiciaire, la géomancie, la nécromancie et autres sciences magiques et illicites. Était-ce un établissement de ce genre, et ces hommes aux manteaux sombres étaient-ils réellement des professeurs de magie noire ?

Pendant que je m’abandonnais à ces conjectures, je plongeais un œil furtif dans une chambre tapissée de toutes sortes d’objets étranges et baroques. Instruments de guerre sauvage, idoles bizarres et alligators empaillés, serpents en bocaux et monstres divers décoraient le dessus de la cheminée ; tandis que sur le ciel de lit