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lentour, et tenait la femme du concierge en haute estime à cause de son talent pour le merveilleux. Il était lui-même grand liseur de vieilles légendes et d’histoires merveilleuses, et se lamentait souvent de ne pouvoir y ajouter foi ; car, pensait-il, une personne superstitieuse devait vivre dans une espèce de monde enchanté.

Comme nous étions tout attention aux histoires du ministre, nos oreilles furent soudain assaillies par une variété de sons hétérogènes partant de la grand’salle, auxquels se mêlait quelque chose comme le bruit perçant d’une musique barbare et le vacarme produit par une foule de voix enfantines et des rires de jeunes filles. Tout à coup la porte s’ouvrit avec fracas, et un formidable cortège fit irruption dans la chambre : on aurait presque pu croire que c’était la cour de féerie qui se séparait. Cet infatigable esprit, maître Simon, s’acquittant loyalement de ses fonctions de roi du tapage, avait conçu l’idée d’une bouffonnerie de Noël ou mascarade ; et ayant appelé à son aide l’étudiant d’Oxford et le jeune officier, qui avaient également les qualités requises pour tout ce qui pouvait être une occasion de gambades et de divertissement, il l’avait mise aussitôt à exécution. La vieille femme de charge avait été consultée ; les antiques armoires à linge et garde-robes avaient été fouillées, et contraintes d’abandonner des débris de parures qui n’avaient pas vu le jour depuis plusieurs générations ; la partie jeune de la société avait été secrètement rappelée du salon et de la grand’salle, et le tout avait été disposé pour une imitation burlesque des anciennes mascarades[1].

Maître Simon conduisait l’avant-garde, comme personnifiant « l’antique Noël », curieusement affublé d’une fraise, d’un manteau court, lequel avait tout l’air d’être un des jupons de la vieille femme de charge, et d’un chapeau qui aurait fort bien pu servir de clocher de village, et qui devait très-indubitablement avoir figuré au temps des covenantaires. De dessous ce chapeau, s’allongeant fièrement, sortait son nez de perroquet puissamment

  1. Les mascarades ou momeries étaient, à Noël, le divertissement favori dans l’ancien temps, et les garde-robes des châteaux et des manoirs étaient souvent mises à contribution pour fournir des costumes et des déguisements fantastiques. Je soupçonne fortement maître Simon d’avoir pris cette idée dans la Mascarade de Noël, de Ben Johnson.