Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tout ce petit monde était aussi activement, occupé après lui que les fausses fées après Falstaff ; le pinçant, le tirant par les basques de son habit, ou le chatouillant avec des fétus. Une charmante jeune fille aux yeux bleus, d’environ treize ans, dont les cheveux blonds flottaient dans un magnifique désordre, dont le visage enjoué rayonnait, et dont la robe avait à moitié quitté les épaules, peinture achevée d’une vraie pensionnaire, était le tourmenteur-chef ; et à l’adresse avec laquelle maître Simon évitait le menu gibier et enfermait dans les coins cette petite nymphe mutine et l’obligeait à sauter par-dessus les chaises en poussant des cris inarticulés, je soupçonnai le fripon de n’avoir pas plus les yeux bandés qu’il n’était convenable.

Quand je rentrai dans le salon, je trouvai tout le monde assis en cercle autour du feu et écoutant le ministre, qui était profondément enfoncé dans un fauteuil de chêne à dos élevé, œuvre de quelque habile artisan d’autrefois, apporté de la bibliothèque pour sa commodité particulière. De ce morceau d’ameublement vénérable, avec lequel ses formes noires et sa figure sombre en lame de couteau s’harmonisaient du reste admirablement, il débitait d’étranges discours, racontant les superstitions et les légendes populaires du pays d’alentour, avec lesquelles il s’était familiarisé dans le cours de ses recherches d’antiquaire. Je serais assez porté à croire que le vieillard était lui-même quelque peu imprégné de superstition, ainsi que cela se voit fréquemment chez les hommes qui vivent une vie studieuse et retirée au fond d’une campagne solitaire, et qui ont l’habitude de se courber sur des livres poudreux, si souvent remplis de merveilleux et de surnaturel. Il nous parla de plusieurs imaginations des paysans du voisinage concernant l’effigie du croisé, qui reposait sur sa tombe, à l’église, auprès de l’autel. Comme c’était le seul monument de ce genre qui existât dans cette partie de la contrée, elle avait toujours été regardée avec des sentiments de superstition par les bonnes femmes du village. Elle passait pour se lever de la tombe et se promener autour du cimetière dans les nuits orageuses, particulièrement quand il tonnait ; et une vieille femme dont la cabane bordait le cimetière l’avait vue, à travers les vitraux de l’église, un soir qu’il faisait clair de lune, remonter et descendre les ailes à pas lents. On croyait que le défunt