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des sujets de famille, auxquels j’étais naturellement étranger. Il se fit cependant sur maître Simon bon nombre de plaisanteries à l’occasion de certaine joyeuse veuve avec laquelle on l’accusait d’avoir une intrigue. Ce furent les dames qui commencèrent l’attaque, mais elle fut continuée pendant tout le dîner par le vieux gentleman à tête épaisse voisin du ministre, avec la persévérante assiduité d’un basset ; car c’était un de ces railleurs à longue haleine qui, bien qu’incapables par eux-mêmes de faire lever le gibier, sont sans rival pour leur talent à le poursuivre. À chaque pause qui se faisait dans la conversation générale il recommençait ses plaisanteries, et ce à peu près dans les mêmes termes, me faisant force signes des yeux toutes les fois qu’il donnait à maître Simon ce qu’il considérait comme une maîtresse botte. Ce dernier, au surplus, ne paraissait pas trop fâché qu’on le taquinât sur ce sujet, ainsi que cela se voit souvent chez les vieux garçons ; et il en prit texte pour me faire confidence, sotto voce, que la dame en question était une femme prodigieusement belle, et qu’elle conduisait elle-même.

Le dîner s’écoula au milieu de ce déploiement d’innocente gaieté ; de sorte que, bien que la vieille salle puisse avoir retenti dans son temps de mainte scène de réjouissances plus tumultueuse et plus grandiose, cependant je ne sais si jamais elle fut témoin d’une joie plus honnête et plus vraie. Comme il est facile à un être bienveillant de répandre le plaisir autour de lui, et qu’il est vrai de dire qu’un bon cœur est une source d’allégresse qui fait s’épanouir toutes choses en sourires dans son voisinage ! La joyeuse disposition d’esprit du digne Squire était parfaitement contagieuse ; il était heureux et disposé à rendre tout le monde heureux ; et les petites excentricités de son caractère ne faisaient que donner en quelque sorte de la saveur à la suavité de sa philanthropie.

Quand les dames se furent retirées, la conversation, comme d’habitude, devint encore plus animée. Nombre de bonnes choses furent alors débitées qu’on avait pensées durant le dîner, mais qui ne convenaient pas précisément à l’oreille d’une femme ; et bien que je ne puisse positivement affirmer qu’il se fit une grande dépense d’esprit, cependant j’ai certainement vu bien des feux roulants de bonnes plaisanteries exciter beaucoup moins d’hila-