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de verdure, et des bâtons dans les mains, remontait l’avenue, suivie d’un nombre considérable de villageois et de paysans. Ils s’arrêtèrent devant la porte du château ; la musique attaqua un air singulier, et les gars exécutèrent une danse curieuse et compliquée, avançant, reculant, et faisant choquer leurs bâtons les uns contre les autres, le tout en suivant exactement le mouvement de la musique, tandis que l’un d’eux, bizarrement couronné d’une peau de renard dont la queue flottait derrière son dos, ne cessait de gambader autour des danseurs en agitant une tire-lire avec force gesticulations bouffonnes.

Le Squire suivait des yeux cette scène étrange avec beaucoup d’intérêt et de plaisir. Il me fit l’histoire complète de son origine, qu’il faisait remonter au temps où les Romains étaient maîtres de l’île, prouvant d’une façon victorieuse que c’était une descendante en ligne directe de la danse des épées des anciens. « Elle était aujourd’hui, disait-il, presque entièrement éteinte, mais il en avait accidentellement découvert des traces dans le voisinage, et en avait encouragé la renaissance ; toutefois la vérité l’obligeait de déclarer qu’il était rare que la journée se terminât sans quelque équivoque jeu de bâtons, sans qu’il y eût quelques têtes quelconques de cassées.

La danse finie, toute la compagnie fut régalée de chair de porc et de bœuf, et de bière double brassée au logis. Le Squire se mêla même aux rustiques, par qui il fut reçu avec de gauches démonstrations de déférence et de respect. Je vis bien, il est vrai, deux ou trois des jeunes paysans, alors qu’ils portaient leurs grands pots à leur bouche, faire, pendant que le Squire avait le dos tourné, quelque chose comme une grimace, et échanger une œillade ; mais aussitôt qu’ils eurent rencontré mon regard, ils revêtirent des figures graves et furent excessivement réservés. Tous, d’ailleurs, paraissaient être plus à leur aise avec maître Simon. La variété de ses occupations et de ses amusements l’avait fait connaître dans tout le voisinage : il visitait les fermes et les chaumières, jasait avec les fermiers et leurs femmes, badinait avec leurs filles et, comme cet emblème du célibataire vagabond, l’humble abeille, butinait des parfums sur toutes les lèvres rosées du pays d’alentour.

La réserve des convives ne tint pas longtemps contre la bonne