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homme avait toute une légion d’adversaires idéals à combattre, s’étant, dans le cours de ses recherches au sujet de Noël, complètement embrouillé dans les controverses de sectaires pendant la révolution, quand les puritains battaient si vigoureusement en brèche les cérémonies de l’Église, et que le pauvre vieux Noël fut banni du royaume par édit du parlement[1]. Le brave ministre ne vivait que dans le passé, et ne savait que bien peu de chose du présent. Enseveli au milieu de volumes rongés par les vers, dans l’isolement de son antique petit cabinet, les écrits du vieux temps étaient pour lui les gazettes du jour, de même que l’ère de la révolution était tout uniment pour lui l’histoire contemporaine. Il oubliait que près de deux siècles s’étaient écoulés depuis l’ardente persécution dirigée sur toute la surface du royaume contre l’innocente rissole, quand le plum-porridge était proscrit comme « pur papisme », et le roastbeef comme anti-chrétien, et que Noël avait été ramené en triomphe avec la joyeuse cour du roi Charles à la restauration. Il s’échauffa et prit feu dans l’ardeur de ses efforts contre l’armée d’ennemis imaginaires qu’il avait à combattre ; soutint une lutte acharnée contre le vieux Prynne et deux ou trois champions oubliés des Têtes Rondes au sujet des fêtes de Noël, et conclut en exhortant ses auditeurs, de la manière la plus solennelle et la plus touchante, à se ranger autour des coutumes traditionnelles de leurs pères, à célébrer de leur mieux ce joyeux anniversaire de l’Église.

J’ai rarement vu sermon couronné d’effets plus visiblement immédiats, car au sortir de l’église la congrégation semblait, depuis le premier jusqu’au dernier, possédée de la gaieté d’es-

  1. Extrait de la petite gazette l’Aigle aux ailes éployées, 24 décembre 1652 : — « Ce jourd’hui la Chambre a consacré beaucoup de temps aux affaires de la marine, pour vider les questions maritimes, et avant qu’on levât la séance il lui a été présenté une terrible remontrance contre le jour de Noël, fondée sur les saintes Écritures, 2 Cor., V, 16 ; 1 Cor., XV, 14, 17 ; et en l’honneur du jour du Seigneur, fondée sur ces mêmes Écritures : Jean, XX, 1 ; Rev., I, 10 ; Psaumes, CXVIII, 24 ; Lev., XXIII, 7, 11 ; Marc, XV, 8 ; Psaumes, LXXXIV, 10 ; remontrance dans laquelle Noël est appelé la messe de l’antechrist, et ceux-là vendeurs de messes et papistes qui l’observent, etc. Par suite de quoi le parlement, après avoir employé quelque temps à se consulter sur l’abolition du jour de Noël, a passé un édit à cet effet et décidé qu’il siégerait le jour suivant, qui s’appelait communément jour de Noël. »