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les paons étaient des oiseaux d’une certaine importance au logis, car Frank Bracebridge m’apprit qu’ils étaient les grands favoris de son père, lequel était extrêmement soigneux d’en conserver la race, tant parce qu’ils se rattachaient à la chevalerie, et figuraient en première ligne aux magnifiques banquets du vieux temps, que parce qu’ils répandaient autour d’eux une pompe grandiose qui séyait admirablement à une vieille résidence de famille. Il n’était rien, avait-il coutume de dire, qui eût un plus grand air d’imposante fierté qu’un paon perché sur une antique balustrade de pierre.

Maître Simon dut alors s’éloigner en toute hâte, ayant un rendez-vous à l’église de la paroisse avec les chantres du village, qui devaient exécuter quelque musique de son choix. Il y avait quelque chose d’extrêmement agréable dans cette joyeuse mise en ébullition des esprits animaux du petit homme ; et j’avoue que j’avais été quelque peu surpris de la vivacité de ses citations d’auteurs qui certainement n’étaient pas du nombre de ceux qui se lisent tous les jours. Je mentionnai cette dernière circonstance devant Frank Bracebrigde, qui me dit avec un sourire que toute la somme d’érudition de maître Simon se réduisait à peut-être une demi-douzaine de vieux auteurs que le Squire lui avait mis entre les mains, et qu’il relisait encore et encore, toutes les fois qu’il lui prenait un accès d’étude, comme il lui en prenait quelquefois par une journée pluvieuse ou une longue soirée d’hiver. Le Livre du cultivateur, de Sir Anthony Fitzherbert ; les Plaisirs de la campagne, de Markham ; le Traité de la chasse, de sir Thomas Cockayne, chevalier ; le Pêcheur à la ligne, d’Isaac Walton, et puis, dans le même genre, deux ou trois anciens illustres de la plume, étaient ses principales autorités ; et, comme tous les hommes qui ne connaissent qu’un petit nombre de livres, il les regardait d’en bas, avec une sorte d’idolâtrie, et les citait à tout propos. Quant à ses chansons, elles étaient pour la plupart glanées dans de vieux bouquins de la bibliothèque du Squire et adaptées à des airs en vogue parmi les esprits d’élite du siècle précédent. Néanmoins ses fréquentes applications de fragments de littérature l’avaient fait considérer comme un prodige d’érudition par tous les palefreniers, piqueurs et petits chasseurs du voisinage.