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Au bout du chemin se trouvait un vieux domestique en livrée, à l’air grave, qui les attendait ; il était accompagné d’un chien couchant arrivé à la plus extrême vieillesse, et du redoutable Bantam ; un petit et vieux poney gros comme un rat, à la crinière cotonneuse, possesseur d’une longue queue couleur de rouille, lequel, assoupi, se tenait tranquillement au bord de la route, ne songeant guère aux bruyants loisirs qui lui étaient réservés.

Je fus touché de la tendresse avec laquelle les petits drôles cabriolaient autour du vieux et robuste laquais et caressaient le chien couchant, qui se tortillait de joie tout le corps. Mais Bantam était le grand objet d’intérêt ; tous voulaient le monter à la fois, et ce ne fut pas sans peine que John les fit consentir à le monter tour à tour, en commençant par l’aîné.

Enfin ils se mirent en route, l’un sur le poney, escorté du chien, qui bondissait et aboyait devant lui, les autres donnant la main à John ; tous deux parlant à la fois et l’accablant de questions sur la maison, d’anecdotes scolaires. Je les suivis du regard avec un sentiment où je ne sais pas lequel prédominait, du plaisir ou de la mélancolie ; car ils me rappelaient le temps où, comme eux, je ne connaissais ni souci ni chagrin, et où un congé était pour moi le nec plus ultrà des félicités humaines. Quelques instants après on s’arrêta pour faire boire les chevaux ; et comme nous nous remettions en marche, un tournant de la route nous amena en vue d’une coquette maison de campagne. Je pouvais même distinguer les formes d’une dame et de deux petites filles sous le portique, et je vis mes petits compagnons, avec Bantam, Carlo et le vieux John, s’avançant de front sur la route suivie par la voiture. Je me penchai en dehors de la fenêtre de la diligence, dans l’espoir que je serais témoin de l’heureuse rencontre, mais un massif d’arbres vint les dérober à ma vue.

Dans la soirée, nous atteignîmes un village où j’avais résolu de passer la nuit. Comme nous enfilions la grande porte de l’auherge, j’avisai la lumière d’un feu de cuisine ragaillardissant qui dardait ses rayons à travers une fenêtre. J’entrai, j’admirai pour la centième fois cette scène d’harmonie, de propreté coquette et de jouissances larges et honnêtes : la cuisine d’une auberge anglaise. Elle était de vaste dimension, tapissée d’ustensiles de cuivre et d’étain admirablement polis, décorée çà et là de ver-