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cyclopes qui entourent l’enclume ne font pas retomber leurs marteaux retentissants, et laissent le fer se refroidir ; tandis que le spectre enfumé, au bonnet de papier gris, occupé au soufflet, s’appuie sur la poignée pendant un instant, et permet à l’asthmatique machine de pousser un soupir venu de loin, afin de lancer un coup d’œil perçant à travers la noire fumée, les lueurs sulfureuses de la forge.

Peut-être aussi l’approche de la fête avait-elle répandu sur le pays une animation extraordinaire, car il me sembla que chacun avait le regard bon et le cœur joyeux. Gibier, volaille et autres superfluités de la table circulaient vivement dans les villages ; les boutiques d’épiciers, de bouchers et de fruitiers étaient assiégées par les chalands. Les ménagères couraient affairées çà et là, mettaient leur logis en ordre ; et les branches de houx, avec leurs baies d’un rouge brillant, commençaient à paraître aux croisées. La scène rappelait exactement le récit que fait un vieil auteur des préparatifs de Noël : — « Maintenant les chapons et les poules, sans parler des dindons, des oies et des canards, sans préjudice du bœuf et du mouton — tout doit mourir — car ce n’est pas une petite affaire que de nourrir pendant douze jours une multitude de gens. Maintenant des raisins secs et des épices, du sucre et du miel, et que le tout s’équarrisse en gâteaux savoureux. Maintenant ou jamais les instruments doivent être d’accord, car les jeunes gens doivent danser et chanter à en prendre chaud, pendant que les vieux resteront assis auprès du feu. La fille de ferme abandonne la moitié de sa vente, et doit encore retourner si elle oublie un paquet de cartes, la veille de Noël. Grande est la dispute entre le houx et le lierre, si c’est le maître ou la maîtresse qui porte les culottes. Les dés et les cartes sont le profit du sommelier, et si le cuisinier n’est pas un sot, il pourra se lécher agréablement les doigts. »

Je fus tiré de cet accès de voluptueuse rêvérie par un cri que poussèrent mes petits compagnons de voyage. Ils avaient eu la tête hors de la voiture pendant les quelques derniers milles, reconnaissant chaque arbre, chaque chaumière à mesure qu’ils approchaient de la maison, et maintenant c’était un élan de joie général. — Voici John ! et voici le vieux Carlo ! et voici Bantam ! » criaient tout transportés les petits espiègles en battant des mains .