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vaillée par ces influences morales, transforme toute chose en mélodie et en beauté ! Le chant même du coq, entendu parfois au milieu du repos épais de la campagne, « disant, la nuit, à ses compagnes emplumées, les heures qui s’envolent, » était réputé par le vulgaire annoncer l’approche de cette sainte fête : —


Quand chacun se dispose à célébrer le jour
Où le Christ, en naissant, nous prouva son amour,
Pendant la nuit, dit-on, cet oiseau de l’aurore
Ne cesse de chanter que pour chanter encore.
Les esprits inquiets alors n’osent bouger ;
Les astres sont sans force, et la nuit sans danger ;
Aucun charme ne prend — la sorcière impuissante
Frémit — tant cette époque est sainte et bienfaisante.


Au milieu de cette universelle convocation au bonheur, de l’agitation des esprits, de ce soulèvement des affections, qui se manifestent vers ce temps-là, quel sein peut rester insensible ? C’est en effet l’heure de la régénération du sentiment — l’heure où non-seulement doit s’allumer dans la grande salle le feu de l’hospitalité, mais encore la flamme généreuse de la charité dans le cœur.

Les scènes d’amour matinal reverdissent dans la mémoire par-delà le désert stérile des ans ; et l’idée de vie intime, chargée des parfums qu’exhalent les joies qui s’épanouissent autour du foyer, ranime l’esprit qui penche ; de même que la brise arabique apporte parfois sur ses ailes la fraîcheur des campagnes lointaines au pèlerin lassé du désért.

Bien qu’étranger, bien que je ne fasse que passer sur ce sol, que nul foyer ami ne doive briller pour moi, nul toit hospitalier m’ouvrir ses portes toutes grandes, ni la chaude étreinte de l’amitié me dire sur le seuil que je suis le bienvenu — cependant je sens l’influence de cette époque rayonner au fond de mon cœur des regards enivrés de ceux qui m’entourent. Certainement le bonheur se réfléchit, comme la lumière du ciel ; et chaque visage étincelant de sourires et coloré par une innocente allégresse est un miroir qui transmet aux autres les rayons d’une éternelle et suprême bienveillance. Celui qui peut se détourner d’un air chagrin pour ne pas contempler le bonheur de ses semblables,