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d’architecture gothique que nous voyons tomber en poussière sur différents points de la contrée, que les ravages du temps ont détruits en partie, qui disparurent en partie dans les additions et les altérations d’une époque plus récente. Mais la poésie s’attache avec une tendresse inquiète à ces divertissements rustiques, à ces joyeuses fêtes, qui tant de fois lui servirent de thèmes — de même que le lierre enlace son riche feuillage autour de l’arche gothique et de la tour en ruine, payant généreusement l’appui qu’ils lui prêtent en reliant leurs débris chancelants, et pour ainsi dire en les embaumant dans la verdure.

De toutes les antiques fêtes, c’est, en somme, celle de Noël qui éveille les joies les plus robustes et les mieux senties. Il se mêle alors à nos instincts de sociabilité un sentiment de piété grave qui soulève l’esprit vers un état de bonheur sublime, sanctifié. À l’église, vers cette époque, les offices ont un remarquable caractère de tendresse et d’inspiration. Ils roulent sur la magnifique histoire de l’origine de notre foi, sur les scènes pastorales qui accompagnèrent sa proclamation. Ils augmentent graduellement de ferveur et de pathétique pendant la période de l’Avent, jusqu’à ce qu’ils éclatent en plein jubilé dans cette matinée qui vint apporter la paix et le bon vouloir aux hommes. Je ne connais pas de plus puissant effet de la musique sur les affections morales que celui qui se produit lorsqu’on entend le chœur tout entier et l’orgue aux puissants éclats entonner à Noël une antienne dans une cathédrale, et remplir tous les points du vaste édifice d’une triomphante harmonie.

C’est aussi une charmante chose (et l’honneur en revient au vieux temps) que cette fête, qui rappelle la proclamation de la religion de paix et d’amour, ait été choisie pour rassembler en faisceau les membres d’une famille, resserrer encore ces liens qui unissent les cœurs frères, et que les préoccupations, les plaisirs et les chagrins du monde travaillent sans cesse à dénouer, pour rappeler tous les enfants d’une même famille qui se sont élancés dans la vie, et qui séparés errent au loin, et les réunir une fois encore autour du foyer paternel, ce lieu de ralliement des affections, afin qu’ils redeviennent jeunes et aimants au milieu des souvenirs attendrissants de l’enfance.

Il y a jusque dans cette époque même de l’année quelque